dimanche 19 février 2012

Carnavalesques Carabènes

Pour certains c'est déjà terminé , pour d'autres c'est le milieu des festivités ... On pourrait croire que ses cortèges bariolés ne viennent  réchauffer nos regards transis, uniquement pendant la saison hivernale.
Que nenni !
 Carnaval (Carnevale, carnevalo): cour d'une  Majesté de carton pâte, accompagnée de chars, et de ses indisciplinés et remuants sujets,  se conjugue aussi bien en été qu'en hiver, selon la latitude où l'on se trouve, selon la région où l'on vit.. Et l'on peut rencontrer son défilé en février, en  mars,  mais également en juillet ou en août (La Grande Motte (34) 
La tradition suivant son cours depuis des siècles, on ne se posait pas trop de questions, jusqu'alors, sur les origines, les raisons, le sens des codes, celui des costumes et de toute la scénographie de cette manifestation aussi typique qu'incontournable. Pour certaines communes, il s'agit d'une véritable institution. Même si chaque ville a ses préparatifs spécifiques et ses propres symboles, on se penche volontiers sur des études comparatives, en vue  de  possibles synthèses,  pouvant avoir un aspect explicatif.  Débordements de joie,  débauches de couleurs, explosions de musiques, défoulements contagieux des carnavaliers, ou carnavaleux,  qui interpellent les spectateurs..., on accepte d'emblée, on participe sans s'interroger, dans un premier temps, mais après la liesse, à tête reposée, on  voudrait bien  comprendre...
Quelles sont les origines des défilés et de leurs diverses étapes, d'où viennent les personnages(dont le roi )représentés invariablement, toutes les musiques d'accompagnement sont-elles traditionnelles ..? 
On peut lire, actuellement, des ouvrages, des articles, des essais,  traitant du sujet. A travers documentaires et reportages on peut s'informer. Et si l'on peut (et le désire), on a la possibilité  d'assister in situ à la manifestation,  grâce aux voyages organisés à la période concernée.Mais tout cela apporte-t-il des réponses convaincantes, définitives, ne reste-t-il pas des parts de mystère ??
A moins d'être membre d'un groupe ( d'une bande..)soumis à des contraintes collectives,  les costumes sont laissés au libre choix des participants(les goudils). Les accessoires ont un rôle essentiel. Ils complètent une tenue, mais ils ont également une très forte valeur symbolique. Ainsi en est-il de la  Carabène, ce roseau flexible, enrubanné, ou entouré de papier brillant, bicolore, terminé ou non par un plumet. 
Lors du célèbre Carnaval de Limoux (Aude), cet instrument va servir à taquiner( " chiner") les badauds, avant d'entamer une conversation humoristique qui se terminera par un jet de confettis sur un innocent  spectateur réjoui,  et consentant. Outre ces baguettes de 1,50 à 1,80m de long,  il en existe un autre modèle :"les entorches "(enduites de résine), qui serviront à enflammer Caramentran (le roi du Carnaval,  qui doit irrémédiablement périr à la fin des festivités,  après un rapide jugement public). 
  

                                                       Dans le Nord de la France , à Dunkerque,
 lors d'un carnaval aussi renommé que le limouxin, on brandit également des hampes enrubannées (berguenaeres), mais elles servent de support à de minuscules parapluies. A Venezia (Italia), autre lieu de festivité carnavalesque réputée, le masque blanc domine, et s'entoure de somptueux tissus chatoyants et moirés.
 Sous d'autres cieux, en Amérique du sud , c'est le Macaratu ( rituel brésilien)  qui rassemble les foules, et les invite à suivre le cortège des carnavaliers au son des chants de circonstance, et au rythme des danses traditionnelles durant 3 jours et 3 nuits. Pour l'occasion on s'équipe de quelques jolis parasols. ou de hampes décorées de longs rubans de papiers multicolores.
En remontant les siècles jusqu'à l'Antiquité on ne peut manquer d'évoquer  d'autres fêtes, quelque peu similaires, avec lesquelles le Carnaval fait résonance et référence: les Saturnales et les Lupercales des Romains, les Dionysiaques des Grecs, l' Imbolc celte.... Et si le port du masque , le défilé des grosses têtes ou des géants  a une cause originelle apotropaïque, qui de nos jours s'en souvient ? Si l'usage de la carabène est devenu inoffensif et ludique, qui se préoccupe s'il ne fut, en des temps plus anciens, qu' un prolongement du bras,  du geste, permettant de désigner un individu sans le toucher directement ? La valeur expiatoire,ajoutée au caractère de dérivatif, l'autorisation de l'expression, le droit à la liberté de geste et de parole, sans souci de l'apparence, ni celui du niveau social (puisque déguisés et masqués, les êtres sont égaux) c'est de tout cela que la fête carnavalière est l'authentique vecteur. S'y greffent, en outre, le poids et la valeur de la persistance des traditions, de tous les codes et les symboles  accumulés au cours de l'histoire d'une ville. Et là, au sein du bruit, des pétards, des fanfares, de la débauche de couleurs éclatantes, des rires,  des chorégraphies conventionnelles ou spontanées, on exorcise, au sens figuré, les défaites, les conflits, les injustices, les maux divers actuels et passés. En fait Carnaval, fête païenne revenant chaque année, c'est le passé transcendé  qui revit, en ayant perdu ses aspects néfastes, douloureux  et négatifs,   mais qui conserve son âme.

Freelance Writer
Culture  Art  Patrimoine

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