lundi 30 août 2021

Du Studium à l'Université

Instruire, éduquer,enseigner, former les esprits au raisonnement, ne sont pas des préoccupations nouvelles. Depuis l'Antiquité on a cherché à rassembler des groupes d'enfants, d'adolescents, afin de leur inculquer  les savoirs des anciens, de leurs prédécesseurs. L'élite des groupes sociaux, étant avantagée dans cette mise en place éducative, ne laissait guère de chance aux  enfants des parents défavorisés. Au cours des millénaires, certains beaux et bons esprits s'en sont émus, et ont proposé des établissements pour recevoir les élèves méritants, issus de milieux modestes. 

Le Studium de Gigean

Le Studium : C'était, aux temps médiévaux,  une maison d'étude, et de logement, pour étudiants, se destinant à passer des diplômes de théologie. Il ne reste guère, actuellement, d'établissements de cette époque,  en bon état. L'autogestion du studium est parfois sous la responsabilité des maîtres et des étudiants (avec l'assistance d' un recteur et d'un doyen). Le pape étant plutôt considéré comme un tuteur ou un guide (cf Conciles de Latran III et IV). La formule qui résume cette gestion est explicite: " une technocratie au service d'une théocratie".  Le diplôme de doctorat était remis, lors d'une cérémonie solennelle,  par l'évêque ou le chanoine chancelier. 
                                                     

Un homme, né en Gévaudan au XIVe siècle,   est un humaniste  particulièrement actif, et généreux, pour l'établissement de ces divers centres d'étude: le pape Urbain V (Guillaume de Grimoard: 1310-1370). 
Pétrarque dira de lui:
 " Ô grand homme, sans pareil dans notre temps, et dont les pareils, en tous temps , sont trop rares..."
Studia en France/ 
 Gigean, (1350) : Il fut certes remanié, mais il est remarquable, car il est encore visible, et  de bel aspect général. Il témoigne d'un mouvement pédagogique actif, soutenu en particulier par le pape Urbain V. Les jeunes gens (des garçons, uniquement) se préparaient au concours d'Avignon, avant d'intégrer une université pour y suivre un cursus qui les menait souvent, comme tous les établissements de ce genre,  à la prélature d'état (hauts dignitaires ecclésiastiques, diplomates, conseillers du roi...). 
"Regnum et studium".
St Roman (1363) : Ce studium a été créé au XIVe siècle, au sein de l'abbaye rupestre, troglodyte, éponyme.
St Germain de Calberte (1363) :dans ce séminaire ( studium) le pape assure aux étudiants" la nourriture, l'habillement, les livres d'étude,et l'intervention de bons professeurs.." 
Trets (1363-1367): Créé le 13 août 1363, cet établissement a connu une destinée brève mais mouvementée, car peu  après son ouverture, une épidémie  a obligé sa désertion,  et le transfert, en juin 1365, à Manosque,  puis, en 1367,  à Avignon.
A l'époque contemporaine, il existe  un autre exemple de studium  : celui de Notre Dame de Vie (Venasque - Vaucluse) créé en 1930.

Pour en savoir plus : "Le studium du pape Urbain V -Dotations ( 1364-1369) " (in: Mémoires de la société archéologique de Montpellier (1922) par l'abbé M. Chaillan / AD Hérault -PAR 1334-)

L'Université: Son histoire remonte également au moyen-âge.  Certains de ses édifices, qui ont connu, et connaissent encore, une grande célébrité, sont toujours en activité, même si les structures internes, les méthodes, les programmes,  et l'organisation ont changé. L'enseignement y est laïque, pluridisciplinaire ou spécialisé selon les villes. Mais certains codes restent ancrés (vocabulaire spécifique des étudiants)
Rappelant que l'Université de Bologne  a été créée, à la fin du  XI e siècle en Italie,  dès 1088, (l'Université, dans ce pays, était  ouverte aux femmes), une brève  chronologie fait état de celles implantées en France, à partir du XIIe siècle. Comme les corporations autonomes, elles étaient régies par leurs propres règles,  mais placées sous l'autorité papale.
                                                  

1150: Paris
1200: Le roi Philippe Auguste place les Universités sous la tutelle de l'église (et non plus sous celle du monarque) 
1215: L'Université de Paris est reconnue par le Pape Innocent III
1219: (Bulle  Saper speculam - Pape Honorius III)
1220: L'évêque de Maguelone devient le chef de l'école de médecine de Montpellier
1229: Toulouse
1253: Paris ( Institut de théologie : la Sorbonne) 
1289: Montpellier  (par la Bulle Quia sapientia- le Pape Nicolas IV en fait un studium generale )  Rappel : L'école de médecine est mentionnée en cette ville  dès 1137. 
1303: Avignon
1306: Orléans
1331: Cahors
1339: Grenoble
1364: Angers
1365: Orange 
                                                              

Bulle du pape Urbain V  le 28 février 1363-
En ceste bulle le Pape déplore: "...la misère du temps, où toutes choses sont devenues perverties."


Free lance Writer
Culture  Art   Patrimoine

 

 

 

 



dimanche 22 août 2021

Quand l'espoir fait vivre ...

 I hope, so I'm living...

Lorsque tout sombre autour de soi : les valeurs morales, le simple quotidien, les références culturelles, alors, il ne reste que l'espoir...  Spe en latin, hope, Hoffnung, esperanza.....
L'espoir naît paradoxalement d'une situation désespérée. C'est, en effet, lorsque tout semble perdu que l'on envisage la possibilité d'un espoir: celui de se sortir d'une impasse, d'une difficulté, d'un traquenard, d'une embûche... Tout cela au sens propre comme au sens figuré. Alors interviennent:  le dépassement de soi, le décuplement des forces (morales, physiques, psychiques) et le raisonnement. Aplanir un horizon trop montagneux, faire sauter les verrous des interdits, s'alléger des contraintes oppressantes et anxiogènes, permettent de laisser derrière soi le champ des divers obstacles, afin de voir s'ouvrir une voie dégagée, calme et sereine. C'est la démarche qui permet de continuer sa route, d'avancer encore, et malgré tout.
Depuis l'Antiquité, et ses légendes mythologiques, bien des artistes ont empoigné ce thème pour le décliner, l'exploiter, le décrire, le magnifier, afin d'en extraire maintes sources d'inspiration. 
La mythologie c'est le théâtre du combat des hommes et des Dieux. La destinée inscrite peut-elle être déviée, maîtrisée, évitée? Vaste question, et vastes épisodes qui ont alimenté les exploits des héros! Défier le sort, tenter de maîtriser le cours de son existence et parfois celle de tout un peuple n'est pas un challenge nouveau sous Phoebus.                                                  

La tragédie:  Elle est reposante, car  l'on sait..."qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos." (Jean Anouilh/ Antigone). Le roman s'en nourrit, comme le théâtre,  pour nouer, et dénouer, les intrigues. Les auteurs dramatiques ont le talent qu'il faut pour faire grimper l'intensité jusqu'à la cime de l'attente, laissant le suspense atteindre son paroxysme avant le dénouement fatal final. 
- A écouter : "L'espoir maintenant" (Entretiens avec J-P. Sartre/1980) 
- A lire : "Le mythe de  Sisyphe " (A. Camus /1942)
L'opéra: En version chantée, la passion humaine se dévoile sous toutes ses facettes. Cependant elle est portée par la force suggestive de la musique. On songe à ces montées chromatiques, ou à ces accords graves, pesants, qui soulignent parfaitement un crescendo angoissant.
Carmen ( G. Bizet)   
La forza del destino (G. Verdi)  https://www.youtube.com/watch?v=yTLZSy6vbjo

Les Arts Plastiques: Sujets de représentations diverses,  les héros qui sont aux prises avec un destin contraire, fournissent aux plasticiens l'occasion de démontrer leur talent à dépeindre les affres d'une lutte sempiternelle. Mais il y a l'énergie du désespoir qui se meut alors en espérance vive , source d'action, d'implication, de soif d'avenir. A Palavas-les-flots, un groupe statuaire illustre bien la démarche. Né du souhait d'un maire, le projet a été concrétisé grâce au savoir-faire et à l'expérience artistique  de la sculptrice Nella Bruscot.     

 
 Des expressions: "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir", " "J'ai mis en vous tous mes espoirs", " On lui a redonné espoir", " Nous avions raison d'espérer", "Vos espoirs ne seront point déçus"...
Cette réaction de survie, de lutte,  malgré et contre tout, est un réflexe humain, animal. Elle permet le dépassement de soi, au prix d'une souffrance quasi insurmontable. Elle connaît parfois, aussi, une fin dramatique.
 Mais que reste-t-il, lorsque l'on a perdu même l'espoir ?
 Dramaturgie de la destinée, la fatalité peut abattre un être,  ou le galvaniser. A lui de savoir faire la part des aléas, et de ce qui a été mis volontairement en travers de son chemin. L'horizon, déjà, paraîtra plus lisible et plus clair, car n'est-il pas important de savoir qui et quoi l'on doit  affronter ? 
L'époque contemporaine fournit, hélas, à trop d'individus,  maintes raisons (matérielles, intellectuelles, sociales, philosophiques...)  de chercher désespérément  des réponses à ce légitime questionnement. 
"La souffrance use l'espoir et la foi." Albert Camus 
 
Et si l'espoir revenait ? ( B. Lavilliers/ J. Cherhal) 

Free lance Writer                                                                                              
Aubépine, symbole d'espoir
Culture  Art   Patrimoine 

mardi 10 août 2021

Momies: le tragique dernier sommeil figé

 Du fond des âges, des corps peuvent parler à l'homme du XXIe siècle. La momification, qu'elle soit naturelle ou rituelle,  permet cet étrange face à face de l'humain avec son passé.   Outre les momies royales égyptiennes, auxquelles on fait généralement référence lorsqu'il est question de ce type de sujet, certains êtres,  plus anonymes, ont" refait surface "après des traitements similaires, volontaires ou non.               
La main de l'homme :
 On peut s'interroger sur les raisons diverses de figer un être dans une posture, pour le faire passer du monde des vivants à celui des Morts. De traditions en rituels, d'actes sacrificiels en nécessités sanitaires, les réponses sont multiples, sans être des évidences absolues. La référence qui vient à l'esprit est sans nul doute l' Egypte,  et ses courantes  pratiques funéraires d'embaumement (tombes royales, celles de hauts dignitaires, et momies animales). Une certaine conception du trépas, de  l'au-delà,  d'une possible renaissance (ou continuité) de l'existence, donnait lieu à des rites, des cérémonies, des traitements particuliers. 
                                                    

 Ötzi / La dépouille mortelle de ce  chasseur a été  découverte dans un glacier alpin, ce qui lui vaut le surnom de "Iceman". Ressemblant à un "transi", le corps décharné, déshydraté a livré quelques pistes de recherches et des réponses sur la cause supposée du décès. Si la thèse du crime est évidente, on reste néanmoins prudent sur les conclusions. De précieux renseignements ont été collectés grâce à l'analyse des restes de  l'équipement qui accompagnaient  encore le corps, saisi dans la masse glacée. 

                                                            

L'homme de Tollund/ C'est au Danemark, dans une tourbière (zone humide faite d'eau, de mousses, et de sphaignes) du côté de Tollund que l'on a découvert un supplicié (vraisemblablement pendu) gisant. Ayant vécu à l'âge du fer, l'homme était âgé d' une trentaine d'années lors de son décès.                                            

L'homme de Grausballe/  L'homme aux cheveux roux reposait en un puits profond dans une tourbière danoise  lorsqu'il fut découvert, des siècles après sa probable  exécution . Portant des traces de blessures on dit qu'il a été sacrifié en période dite "de l'âge du fer" .  

La liste de ces momies comprend aussi bien des adultes que des enfants, des femmes, et des hommes.Pour mémoire, on peut mentionner également, parmi les plus connus : L'homme de Clonycavan, celui de Lindow,  la femme d'Haraldskaer, celle d'Elling, la fille d'Yde, ....


L’œuvre de la nature:
Si l'on ne peut pas vraiment évoquer la conservation par le froid (cryogénisation),  on tient néanmoins compte du  milieu humide (tourbe) ,  sans air (condition d'anaérobie)  favorisant la préservation des tissus (amoindris) et du squelette. Mais la difficulté et le risque sont alors présents lors de la découverte. En effet, la manipulation devient délicate, sous peine d'endommager l'ensemble du corps, et l'exposition  soudaine à  l'air peut engendrer des dégâts irréversibles ( attaque des bactéries).  
Les conditions des derniers instants, des êtres retrouvés dans les tourbières nordiques, sont particulièrement inquiétantes. Nombreux sont celles, et ceux, (de tous âges)  qui semblent avoir subi de mauvais traitements, des blessures, et avoir été victimes de sacrifices (rituels, punitifs.??) On en ignore encore les exactes raison et signification. De même que l'on n'est pas assuré de l'authentique position sociale de l'individu dans la sphère interne de la tribu à laquelle il (ou elle) appartenait.
à lire
 et aussi :
 et aussi :
 Peter Vilhelm Glob:Les hommes des tourbières, Paris, Fayard, coll. « Résurrection du passé »,
 Les caprices des Dieux : 
Afin de s'attirer les bonnes grâces divines, ou pour remercier les Dieux: d'une bonne récolte, d'une victoire sur l'ennemi, d'une transaction commerciale fructueuse,  l'offrande s'est  couramment pratiquée depuis l'époque des premières croyances et dévotions. Le prix du sang, celui de la mort d'une victime expiatoire, était alors le pacte d'espérance de l'exaucement. Les momies des tourbières font replonger l'homme du XXIe siècle dans ce contexte, notamment celui de l'âge du fer, dont les Us et Coutumes sont encore à identifier,  et à mieux comprendre.
 
Ces individus retrouvés enseignent  et renseignent sur des pratiques autorisant une réflexion pluridisciplinaire : eschatologique, ethnologique, et philosophique.  Qu'elle soit volontaire, ou naturelle,   la momification induit une démarche scientifique et sociale.  Si la science se penche avec intérêt sur ces divers cas, c'est que les conditions climatiques évolutives permettent l'accès à de nombreuses découvertes,  autorisant maints comparatifs (époques, activités, alimentation, santé, liens sociaux, conflits, etc...). 
Figés dans leur dernier sommeil, des individus voués à l'abandon, à l'oubli, ont défié les siècles et parfois les millénaires, venant conter le dernier  épisode, souvent sordide, de leur destinée. Il importe, à l'homme contemporain, de décrypter ces résurgences d'un lointain passé, sans oublier qu'à travers chaque dépouille,  un être humain est là.

Sur ce même blog : articles parus en 2020: 
- Les murs de l'au-delà:
- Egypte: Quand l'Eternité refait surface:


Free lance Writer 
Culture  Art  Patrimoine