dimanche 18 janvier 2015

La marotte du bouffon

Depuis l'Antiquité (à Suse, Ecbatane, ... cf  Charles Magnin (1838)" Les origines du théâtre moderne, histoire du génie dramatique du 1er au XVIe s. "), la dérision a toujours été proche du pouvoir. Ainsi Momos (Μῶμος) était-il déjà près des Dieux de l'Olympe ! Le bouffon du roi, sans avoir de place enviable, avait néanmoins sa  fonction. Bien avant les Lénéennes grecques (fêtes Dionysiaques) où brillaient Phérécrate, Strattis, ou Cinésias, on trouvait auprès des monarques, des individus qui maniaient habilement la dérision. On mesurait souvent la grandeur d'un empire à l'impertinence  du propos tenu par le bouffon. Même si le rire était craint, donc  proscrit dans certaines sphères ( cf le film:  " Le nom de la rose"), le Moyen-âge n'a pas manqué à la tradition, et nombre de  ces amuseurs, à l'insolence mesurée,  ou hardie, ont une renommée qui a franchi les siècles allègrement, certains ont été les héros d'opéras, d’œuvres picturales,  ou de romans. Ainsi en est-il de Triboulet Langely, Gonnella, Rigoletto, Chalamala de Gruyère,.. Les bouffons médiévaux ajoutaient à leurs propos humoristiques de vrais tours d'adresse, de la jonglerie, à quelques tours de passe-passe, en passant par l'acrobatie.
Le rire étant le propre de l'homme, les bouffons se devaient d'avoir la répartie aussi spirituelle que rapide (et parfois cinglante). Mais les rois ne manquant pas, eux non plus,  de répartie,  les échanges sont parfois passés à la postérité. Ces traits d'esprit vif, signes flagrants d'intelligences affûtées, ont connu plusieurs périodes fastes : le XVIIe siècle, avec Louis XIV et son entourage de courtisans, le XVIIIe s.: celui des lumières... où il était de bon ton (et prudent) de manier le verbe à dessein, sous peine d'être évincé d'un cercle influent.

Le bouffon, au chapeau bicolore  à grelots,  et sa marotte (sceptre grotesque, prolongement du bras, servant à désigner) sont descendus dans la rue,  et souvent sont présents dans les Carnavals et Charivaris.
On les rencontre également sur des tableaux (Allemagne, Espagne,..),  dans des scènes de liesse populaire. A l'époque contemporaine ils sont devenus chansonniers, comiques, interprètes de on-man-show, .. L'artiste est reconnu derrière son masque d'amuseur public, car le talent est toujours là. L'individu s'adresse à tous,  sous des variantes multiples: satire, outrance, drôlerie, comique léger ou appuyé, grivoiserie, brocarde, contrepèterie, jeux de mots (au1er, 2e, ou 3e degré), caricature, sarcasme, moquerie, imitation, critique, aphorismes, burlesque, lazzis, ... Sous le verbe, la "patte " peut se faire plus ou moins pesante, allant de l'éraflure jusqu'à l'égratignure.. Elle peut être  également  dénonciatrice, et montrer du doigt. L'enjeu est:  la mesure dans la démesure.
Très tôt, le statut de bouffon, son rôle, son utilité,  dans les sociétés, sa liberté de ton,  ont été le sujet de maintes questions, et  ont donc fait l'objet d'études et de réflexions multiples.

Pour en savoir plus:  ouvrages, romans, essais,  thèses, ..:
Le rire (essai).  Henri Bergson 
L'éloge de la folie. Erasme

Bouffons des temps modernes : figures de bouffons dans le théâtre d'Alfred Jarry, Eugène Ionesco, Samuel Beckett, Roland Dubillard, Jean Tardieu, Michel de Ghelderode et René de Obaldia , par Benjamin Dang
Le bouffon sur la scène anglaise au XVIe s. Victor Bourgy
 
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