jeudi 1 juin 2023

Des animaux en justice

L'évolution des us et coutumes, au cours des siècles,  n'en finit pas de nous étonner! 
La recherche en Histoire permet de prendre connaissance de faits divers assez déstabilisants pour l'homme du XXIe siècle. En effet,  qui pourrait penser, de nos jours, qu'un animal puisse comparaître en justice pour un meurtre ? On aurait tendance à incriminer plutôt son propriétaire pour défaut de surveillance ..
Pourtant, de nombreux cas ont été relevés et narrés dans des textes, attestant l'exécution de bêtes,  à la suite de procès pour  homicides commis. 
Cette procédure expéditive, et difficilement compréhensible,  a néanmoins ému certaines bonnes âmes qui, en leur temps, se sont récriées, en invoquant l'innocence, par manque de raisonnement, de ces accusés particuliers (cf :  Coutumes de Beauvaisis (ou Beauvoisis)  par le jurisconsulte Philippe de Beaumanoir / XIIIe s;).                                                                 
Ont comparu à la barre : des ânes, des cochons, des truies, des pourceaux, des chevaux, des taureaux, mais également des charançons, des sauterelles, des mulots, des chenilles... 
Pas de plaisanterie dans ces interrogatoires et ces condamnations au supplice et à la mort. Mais des plaidoiries, des chefs d'accusation, des comparutions de témoins .. La sentence se voulait exemplaire et devait servir de leçon ... au propriétaire de l'animal mis à mort. On a même utilisé, quelquefois,  la loi du Talion. Le supplice et la mise à mort  de la bête fautive étaient effectués par le maître des hautes œuvres. Il portait des gants (pour "garder les mains pures")  dont le prix était à la charge   du  propriétaire de l'animal. 
A y regarder de plus près,  avec les méthodes et lois actuelles, on analyserait également la responsabilité de la famille des victimes. Car la plupart du temps, il s'agissait de jeunes enfants, ou d'ados,  non surveillés, dévorés,  ou attaqués,  par des bêtes errantes n'appartenant à personne,  ou  en liberté, livrées à elles-mêmes.  Mais il y a eu cependant quelques  cas d'adultes attaqués plus ou moins gravement, dont certains ont trouvé la mort. 
Une datation chronologique donnera quelques éléments de réflexion. 
1260- (un pourceau) 
1314- (un taureau agressif) 
1389- 1394- 1404-1408- 1414- 1457- (porcins) 
1793 (un perroquet antirévolutionnaire) 
1916- une éléphante ( pendue)
 Certains étaient humanisés ( = vêtus) afin d'accentuer l'aspect "coupable"  (= conscient du mal fait) . Lors des procès, on pouvait assister à de singulières plaidoiries par des avocats.
D'autres subissaient l'infamie de l'excommunication: 
1120 - des mulots et des charançons
1451- des sangsues
1474- un coq (pour avoir  pondu un œuf )
1500- des charançons et des sauterelles
1596- des dauphins (exorcisés pour être entrés dans le port de Marseille) 
On retrouve trace de tel fait au XXIe s. où un âne agressif a été condamné en Turquie. Sous l'Ancien Régime,  un autre représentant de l'espèce asine avait été pendu à Aigues-Mortes, après procès.
Longtemps utilisés comme transferts lors des sacrifices, l'humanité a fait payer un lourd tribut aux animaux, à travers les siècles. Après certaines prises de conscience, si des lois sont édictées pour remédier à leur condition, il reste encore beaucoup à apprendre (à comprendre) du comportement animal. 
                                                                  

Sources: .  
- Article du journal Libération ( mars 2004) ; "Bêtes et victimes"
- "Curiosités judiciaires" (1858) Emile Agnel
- "Etranges procès d'animaux au Moyen-âge" ( 2018) France Culture - Hélène Combis
- " Traité  de droit criminel" Josse de Damhouder (1562)


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